La victoire de Châteauguay
La trompette a sonné : l'éclair luit, l'airain gronde ;
Salaberry paraît, la valeur le seconde,
Et trois cents Canadiens qui marchent sur ses pas,
Comme lui, d'un air gai, vont braver le trépas.
Huit mille Américains s'avancent d'un air sombre ;
Hampton, leur chef, en vain veut compter sur leur nombre.
C'est un nuage affreux qui paraît s'épaissir,
Mais que le fer de Mars doit bientôt éclaircir.
Le Héros canadien, calme quand l'airain tonne,
Vaillant quand il combat, prudent quand il ordonne,
A placé ses guerriers, observé son rival :
Il a saisi l'instant, et donné le signal.
Sur le nuage épais qui contre lui s'avance,
Aussi prompt que l'éclair, le Canadien s'élance...
Le grand nombre l'arrête... il ne recule pas ;
Il offre sa prière à l'ange des combats,
Implore du Très-Haut le secours invisible ;
Remplit tous ses devoirs et se croit invincible.
Les ennemis confus poussent des hurlements ;
Le chef et les soldats font de faux mouvements.
Salaberry qui voit que son rival hésite,
Dans la horde nombreuse a lancé son élite :
Le nuage s'entrouvre ; il en sort mille éclairs ;
La foudre et ses éclairs se perdent dans les airs.
Du pâle Américain la honte se déploie :
Les Canadiens vainqueurs jettent des cris de joie ;
Leur intrépide chef enchaîne le succès,
Et tout l'espoir d'Hampton s'enfuit dans les forêts.
Oui! généreux soldats, votre valeur enchante :
La patrie envers vous sera reconnaissante.
Qu'une main libérale, unie au sentiment
En gravant ce qui suit, vous offre un monument :
<< Ici les Canadiens se couvrirent de gloire ;
<< Oui! trois cents sur huit mille obtinrent la victoire.
<< Leur constante union fut un rempart d'airain
<< Qui repoussa les traits du fier Américain.
<< Passant, admire-les... Ces rivages tranquilles
<< Ont été défendus comme les Thermopyles ;
<< Ici Léonidas et ses trois cents guerriers,
<< Revinrent parmi nous cueillir d'autres lauriers.>>
Joseph-David Mermet (1813)