Comptabilité générale
II. 5. Un atelier fabriquant des jouets (2)
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Une première récapitulation : les actifs de l'entreprise
Si nous faisons une liste de ce que l'entreprise possède à la fin du troisième mois – pour "voir où nous en sommes" en quelque sorte – voici ce que nous obtenons :
- 7000 € à la banque
- 1000 jouets prêts à être vendus
- plus aucune matière première (nous faisons l'hypothèse dans cet exemple que nos achats initiaux de bois, ruban et colle couvraient exactement la production de 3000 jouets)
- une camionnette d'occasion
- une scie mécanique
- quelques équipements de bureau
- et un morceau de papier de la part de Carrefour promettant de nous payer 20 000 € dans un mois et demi.
Si nous voulons être complets, nous avons aussi encore trois mois de loyer payé d'avance.
D'autres actifs ?
Nous pourrions aussi dire que nous avons d'autres choses dans cette entreprise :
- nous avons un savoir-faire
- nous avons des opérations qui tournent (nous pouvons produire des objets et générer des ventes et du profit)
- nous commençons à avoir une réputation, nous sommes connus
- etc.
Rien de tout cela, néanmoins, n'est pris en compte par la comptabilité générale.
Il y a une exception à ce dernier point : si nous vendons notre entreprise A à une autre entreprise B, et que B paie pour A plus que "sa valeur telle que calculée dans ses comptes", la différence correspondra aux points ci-dessus (ainsi qu'à une synergie éventuelle entre A et B, voir section suivante, troisième paragraphe), et sera comptabilisée dans les comptes de B comme du "goodwill". On utilise ce terme même en français, ou bien, si on est puriste, les termes "survaleur" ou "écart d'acquisition".
Valeur d'une entreprise
Une entreprise est "plus que la somme de ses éléments", dans le sens que sa valeur – si l'entreprise marche bien – est supérieure à la somme des valeurs de ses actifs. C'est une "machine" qui fonctionne, et si elle est performante qui crée de la richesse.
Un acheteur paiera alors pour l'acquérir plus que la somme des valeurs de ses actifs listés ci-dessus – même si elle n'a aucun lien avec les autres activités de l'acheteur, c'est-à-dire même si c'est une acquisition dite "standalone".
Quand l'entreprise achetée présente des synergies avec les autres activités de l'acheteur, c'est encore une autre histoire. Quand c'est en quelque sorte une clé pour ouvrir un trésor que possède l'acheteur, celui-ci peut débourser une somme apparemment extravagante par rapport à l'entreprise achetée. Dans les années deux mille, eBay a acheté Skype à ses fondateurs pour 2,6 milliards de dollars, alors que Skype n'avait que quelques années d'existence, un chiffre d'affaires de l'ordre d'une dizaine de millions de dollars, et n'avait fait que des pertes.
Ce prix était en fait raisonnable. Ce n'est pas le lieu ici d'exposer les calculs financiers qu'a faits eBay, notons simplement, quand vous possédez un trésor dans un coffre fermé à clef et que quelqu'un d'autre possède la clef, vous êtes prêt à la lui acheter à un prix supérieur au simple coût du métal et du façonnage qui ont été nécessaires pour la fabriquer.
Une dernière remarque : comme eBay aurait pu évidemment recréer la technologie de Skype en interne pour moins que 2,6 milliards de dollars, mais, même avec tout l'argent du monde, n'aurait sans doute pas pu raccourcir sensiblement le temps de développement, eBay en rachetant Skype pour cette somme a essentiellement acheté du temps.
Valorisation des stocks
Observez que nous n'avons pas calculé de valeur pour le stock de produits finis encore dans l'entreprise. C'est moins, il faut l'espérer, pour nous que 10 € par jouet, qui est le prix auquel nous les vendons.
Quand on achète des matières premières ou des produits entrant dans nos fabrications ou vendus tels quels, il y a aussi un problème de valorisation des stocks (si on achète plusieurs fois la même chose à des dates et des prix différents). Nous étudierons les célèbres méthodes de valorisation des stocks de matières ou produits achetés – LIFO, FIFO, et autres – qui assignent une valeur (pour nous) à ces stocks.
Dernières étapes
17) A la fin du troisième mois, après la récapitulation faite ci-dessus, nous achetons de nouveau des matières premières : 1000 €. Puis, à la fin du quatrième mois, nous payons différentes charges 1500 €. Et nous devons aussi payer 6000 € de frais de personnel. Mais il ne nous reste que 4500 € à la banque ! Alors nous payons les deux employés, et le patron attendra. Nous sommes maintenant descendus à 500 €. Nous attendrons l'arrivée d'argent frais, quand la traite de Carrefour tombera, pour acheter davantage de matières premières et payer avec un peu de retard le patron.
18) Nous recevons le paiement de Carrefour : 20 000 € arrivent sur notre compte en banque.
Et la vie continue, car l'entreprise est un "going concern" – c'est-à-dire quelque chose qui si tout marche bien ne s'arrête jamais.
Contrairement à un projet délimité dans le temps, comme la construction d'un pont, avec un début et une fin, un "going concern" n'a pas de fin.