Comptabilité générale
II. 7. Premiers enseignements tirés de l'exemple du fabricant de jouets
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L'exemple élémentaire du fabricant de jouets nous enseigne des premiers principes généraux.
Le cash : il ne faut jamais être à court de cash
Nous avons du cash (des espèces) dans un coffre dans les locaux de l'entreprise, et l'équivalent de cash (en général en plus grande quantité) à la banque. Pour l'instant nous utilisons un langage informel, pas encore le vocabulaire officiel de la comptabilité. Cela viendra à partir de la leçon 9, qui est la première leçon du chapitre III.
Si nous nous trouvons à court de cash (en englobant dans ce terme le cash dans les locaux et l'argent dans le compte courant de l'entreprise à la banque), deux problèmes principaux peuvent survenir :
- nous ne serons pas en mesure d'acheter ce dont nous avons besoin pour faire tourner l'entreprise,
- nous ne pourrons pas payer une facture arrivant à échéance, c'est-à-dire qu'il faut payer maintenant.
Dans le premier cas, si nous n'obtenons pas de crédit de la part du fournisseur, nous devrons ralentir l'activité de l'entreprise, et éventuellement mettre du personnel au chômage technique.
Dans le second cas, qui est plus grave, si nous ne parvenons pas à un accord pour repousser l'échéance de la facture, nous sommes alors techniquement en cessation de paiement. Et nous entrons dans les procédures pouvant conduire à la faillite. Le mot "faillite" ne fait pas partie du vocabulaire officiel de la comptabilité, le terme officiel est "dépôt de bilan".
Noter qu'il est illégal de demander du crédit aux salariés, c'est-à-dire leur demander d'être payés avec retard par rapport à la date (généralement la fin du mois) où leur salaire est dû.
Quand les procédures de faillite sont enclenchées, le tribunal de commerce dont dépend l'entreprise peut décider
- soit de forcer les créanciers à attendre, en "gelant" leurs créances, et mettant en place un plan de continuation de l'activité car l'entreprise mérite d'avoir une deuxième chance, ainsi qu'un plan de remboursement (total ou partiel) étalé dans le temps des créances gelées,
- soit de liquider l'entreprise, et payer partiellement les créanciers avec l'argent qui aura été obtenu en vendant ses actifs.
Une liquidation est effectuée par un administrateur (appelé aussi liquidateur), qui est un représentant officiel du tribunal de commerce. Il arrive que les liquidateurs soient corrompus, et gardent pour eux-mêmes ou des amis ou des hommes de paille les équipements et stocks de l'entreprise qui ont de la valeur. Par exemple, quand une entreprise qui vendait du matériel textile dans le monde entier fait faillite et est liquidée, les stocks de pièces détachées et les machines pour les fabriquer ont beaucoup de valeur car les clients sont captifs, et les pièces détachées peuvent leur être vendues à des prix élevés. L'administrateur de liquidation peut s'entendre avec des dirigeants de l'entreprise (qui la connaissent encore bien) et d'autres personnalités du tribunal de commerce, et ensemble ils peuvent racheter discrètement à un "prix de liquidation" ce stock et ces machines et remonter pour eux une entreprise de fourniture de pièces détachées très lucrative.
Habituellement une nouvelle entreprise n'a pas accès au crédit, et les banques ne lui prêteront pas de l'argent dès le début de ses opérations.
Pour obtenir du crédit, nous devons d'abord montrer, durant les premiers mois d'opération, que nous sommes sérieux, que l'entreprise est viable et qu'elle est digne de confiance (l'adjectif anglais est "creditworthy", signifiant "qui mérite du crédit").
Le plan et le budget. Le premier principe – qui enjoint de ne jamais être à court de cash – conduit au deuxième principe : prévoir régulièrement aussi précisément que possible les ventes et rentrées d'argent à venir. Nous avons vu qu'une vente ne veut pas nécessairement dire une rentrée immédiate d'argent (c'est-à-dire de cash, sous forme d'espèces ou d'argent à la banque).
Et planifier les achats et sorties de cash à venir, de telle sorte qu'on ne devienne pas "négatif" à la banque.
L'expression "être négatif à la banque" n'est pas la terminologie standard ; on dit "être à découvert". Nous apprendrons les autres vocables officiels.
Les nouveaux clients : Symétriquement, n'accorder du crédit à des clients qu'après qu'ils ont montré qu'ils étaient dignes de confiance (= crédibles = "creditworthy").
Carrefour est digne de confiance.
Un nouveau client, qui veut recevoir 1000 jouets demain et payer dans 2 mois, ne l'est pas encore. Habituellement vous exigerez de ce client qu'il paie cash (en espèces ou par chèque) ses premières commandes. Après quelques commandes, paiements et livraisons qui se sont bien passés, nous pourrons commencer à lui accorder du crédit client.
Le crédit : Le mot crédit baigne le monde des affaires. Il vient du latin credere qui veut dire croire, avoir confiance en.
Le commerce est fondamentalement lié au crédit, car nous échangeons constamment des choses contre d'autres choses et nous devons avoir confiance en la valeur de ce que nous recevons, tout particulièrement quand il s'agit de promesses.
La monnaie moderne : La monnaie moderne est constituée de signes sur du papier et dans des fichiers informatiques d'ordinateurs de banque. Les billets de papier d'une devise donnée ont "cours légal" dans la zone de la devise.
Cette monnaie papier a évolué lentement à partir des lettres de change des marchands des grandes foires médiévales du XIIe siècle et après.
Elle a commencé à jouer un rôle important au XVIIIe siècle quand les banques se sont mises à émettre de grandes quantités de "billets" (c'est-à-dire de reçus pour des dépôts de métaux précieux ou d'autres valeurs tangibles) qui pouvaient être utilisés comme moyens de paiement. Un financier du nom de John Law (1671-1729) recommanda même que les pays utilisent seulement de la monnaie de papier (appelée aussi "monnaie fiduciaire") "garantie" sur divers biens, des métaux précieux ou d'autres choses. C'est une longue histoire des plus intéressantes car au début du XXIe siècle nous sommes toujours en train d'essayer d'appliquer les idées de Law et de construire dans le monde entier des systèmes monétaires satisfaisants.
Dans la plupart des pays la monnaie de papier a acquis le statut de monnaie à cours légal au XIXe siècle, quand une banque a été choisie pour jouer le rôle de banque centrale et ses "billets de banque" sont devenus la monnaie officielle.
Que veut dire cours légal ? Réponse : dans la zone euro, si je vous dois 5 €, vous ne pouvez pas refuser le billet de 5 € que je vous donne pour éteindre ma dette envers vous, bien que ce ne soit qu'un bout de papier...
La monnaie privée : les obligations émises par les entreprises sont de la "monnaie privée".
Une obligation est un contrat liant un prêteur et un emprunteur : l'emprunteur est l'émetteur de l'obligation, laquelle promet par contrat de rembourser (intérêt et principal) au prêteur (qui reçoit l'obligation en échange d'argent et qui est donc aussi appelé l'acheteur) l'argent prêté selon un certain échéancier.
Une obligation, ou plus généralement une reconnaissance de dette, est signée par son émetteur. C'est une promesse. Vous pouvez l'accepter ou pas en échange de ce que vous vous apprêtez à céder, selon le niveau de confiance que vous avez en son émetteur.
Les obligations de gouvernement ou d'État : Non seulement les entreprises émettent des obligations, mais aussi les municipalités, les régions, les états et les gouvernements. Les marchés obligataires se sont considérablement développés dans le monde entier après 1980.
Dans le cas des gouvernements, on parle d' "obligations de gouvernement ou d'État".
Les obligations peuvent être émises dans la devise du pays où se trouve l'émetteur ou dans d'autres devises. C'est simplement un contrat stipulant des engagements dans l'avenir, avec toute la flexibilité que la définition de ces engagements permet.
Le cas des États-Unis : Depuis les années soixante-dix les Etats-Unis ont creusé un fort déficit commercial avec le reste du monde. Au milieu des années deux mille il s'élevait à $2 milliards par jour !
Ils paient ce déficit commercial avec des dollars. Jusqu'à un certain point c'est une chose naturelle car, le dollar étant depuis Bretton Woods "la monnaie mondiale", le monde a besoin de dollars et donc les "achète" aux États-Unis avec des biens et services. C'est le paradoxe de Triffin entrevu par Robert Triffin (1911-1993) dès 1960. En 2010, la quantité de dollars en circulation dans le monde, en dehors des États-Unis, était estimée à $500 milliards.
Mais, comme les États-Unis ont un autre déficit – le déficit du budget fédéral (les deux déficits étant appelés les déficits jumeaux) –, ils rachètent une partie de ces dollars avec lesquels ils ont payé les importations, les remplaçant par des obligations du gouvernement. Ceci n'avait pas été prévu par Triffin. En outre, à la fin de sa carrière il était un fervent partisan de la monnaie unique européenne pour toute l'Europe. Malheureusement depuis au moins 2011 (et la crise grecque) nous assistons au début de l'effondrement de l'euro. L'auteur pense que le bon système pour chaque pays est avec au moins deux devises, l'euro comme monnaie commune et une monnaie nationale par pays.
Les tensions financières et monétaires créées par l'émission à grande échelle, par le pays le plus riche de la planète, d'obligations de gouvernement qui finissent dans les réserves des banques centrales des autres pays sont une source d'inquiétude pour l'avenir du système financier et monétaire mondial. Ce sera peut-être l'une des causes de l'apparition de nouvelles monnaies, gérées par des entités privées non nationales plus fiables que les États.
Le rôle de ces diverses considérations ici est seulement d'illustrer l'importance du concept de crédit qui joue un rôle si important dans le monde des affaires et en comptabilité.