Comptabilité générale
III. 13. Transactions et comptes (2) : enregistrement de transactions simples, suivi des stocks traditionnel ou en temps réel
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Nous sommes maintenant au coeur de la comptabilité en partie double. Pour faciliter notre apprentissage, nous considérons une boutique qui achète des biens (encore appelés marchandises) et les revend sans effectuer de transformation physique sur eux.
Les articles de la boutique ont deux prix :
- un prix d'achat, payé par la boutique à un producteur ou un grossiste
- un prix de vente à la clientèle
Un ordre de grandeur typique pour le prix de vente est deux fois le prix d'achat.
Noter que les entreprises sont aussi des auxiliaires du fisc chargées de percevoir certains impôts. L'Etat a naturellement besoin d'argent pour faire fonctionner les services publics et pour redistribuer au titre de la protection sociale. Il cherche à obtenir cet argent en imposant différentes taxes sur certains facteurs, résultats ou flux économiques : revenus des personnes physiques, bénéfice des entreprises, travail, essence, cigarettes, etc. et aussi achat de biens et services marchands.
Ce n'est pas leur "mission" principale, mais les entreprises sont donc chargées de percevoir certains impôts. Comme si par exemple chaque fois qu'un ami ou une amie vous rendait visite vous deviez lui faire acquitter une taxe car l'Etat vous en avait chargé. Cela accroîtrait sans doute encore davantage les rendez-vous clandestins.
Il y a généralement une "taxe sur la valeur ajoutée" (TVA) qui s'ajoute au prix de vente de l'entreprise, et que le client est tenu d'acquitter en même temps que son achat. Pour l'instant, dans notre apprentissage des mécanismes de la comptabilité, il est préférable d'étudier un environnement économique où les entreprises ne sont pas en plus des percepteurs, et où il n'y a pas de TVA. En effet, sans être compliqué, le mécanisme comptable d'enregistrement de la TVA fait intervenir deux comptes supplémentaires, un compte de TVA à payer sur les ventes qui en supportent, et un compte de TVA à récupérer sur les achats, afin que l'entreprise ne paie finalement une taxe que sur sa valeur ajoutée. C'est par ailleurs une porte parmi d'autres vers la comptabilité créative et les malversations (cf. Fraude à la TVA).
Le mécanisme de la TVA peut obscurcir l'apprentissage de la comptabilité. Il ne fait pas intrinsèquement partie des mécanismes de la comptabilité, et il est donc plus facile d'apprendre comment comptabiliser la TVA après qu'on a bien maîtrisé les techniques fondamentales.
Gardons à l'esprit ce qu'est la comptabilité et quels sont ses objectifs :
- la comptabilité est l'un des systèmes d'information et de gestion de l'entreprise
- son premier objectif est de calculer, sur ce qu'on appelle "un exercice comptable" (généralement une année calendaire), le bénéfice généré par l'entreprise. Le calcul est simplement
bénéfice de l'exercice = ventes de l'exercice - coûts correspondants
Nous verrons dans les leçons à venir comment on effectue en pratique ce calcul. Pour l'instant nous devons d'abord apprendre la mécanique des comptes. - un deuxième objectif de la comptabilité est de donner, à n'importe quelle date (mais habituellement à la fin de chaque exercice) une vue d' "où nous en sommes", dans le sens de "qu'est-ce que l'entreprise possède et à qui doit-elle de l'argent".
Un dernier point préliminaire avant de passer des écritures : désormais, nous allons distinguer le cash (c'est-à-dire les espèces) dans les locaux et l'argent dans le compte courant à la banque :
- le cash (= les espèces) sera comptabilisé dans le "compte de caisse"
- l'argent dans le compte courant à la banque, sur lequel nous pouvons tirer des chèques, sera comptabilisé dans le "compte de banque"
Commençons en enregistrant des transactions simples.
Quand on enregistre une transaction la question qui se pose toujours au néophyte est "dans quel compte dois-je entrer un débit, et dans quel compte dois-je entrer un crédit ?".
Exemple 1 : A la fin du mois du mois de septembre, l'entreprise paie les salaires, 25 000 €, par chèque.
Voyons quels sont les deux mouvements de valeur. C'est ainsi que l'on détermine quel compte doit être débité (le compte qui reçoit de la valeur – qu'elle soit consommée ou pas ne fait pas de différence) et quel compte doit être crédité (celui d'où sort de la valeur).
Le travail qui est entré dans l'entreprise durant le mois de septembre est enregistré dans le "compte des salaires". Il y avait déjà des entrées dans le compte pour les mois précédents. Nous passons une nouvelle écriture (une nouvelle ligne) avec une date, le 30 septembre, une description, les salaires payés par chèque (seul le mot chèque est important ; spécifier le mot salaires est redondant puisque nous sommes dans le compte des salaires), et dans la colonne débit nous inscrivons 25 000.
Noter que bien que le compte soit intitulé "compte des salaires", ce qu'il enregistre est en réalité le travail reçu.
L'argent pour payer les salaires (qui bien sûr a la même mesure monétaire) est enregistré dans le "compte de banque".
Exemple 2 : Une cliente qui nous a acheté un bien à crédit il y a quelques temps, en payant alors avec une promesse, maintenant paie effectivement ce qu'elle nous doit. Supposons que cela a lieu le 15 octobre. La cliente, Jennifer, paie en espèces 3000 euros pour remplacer sa promesse que nous détenions jusqu'à présent.
Voici les deux mouvements de la transaction :
Du cash entre dans l'entreprise, et la promesse en sort. Elle n'a plus de valeur après que Jennifer l'a payée.
Donc nous débitons le compte de caisse car c'est celui qui reçoit la valeur :
Puis nous nous tournons vers le compte des débiteurs. Quelques lignes plus haut il y a une entrée passée qui a enregistré la promesse de Jennifer quand nous lui avons vendu à crédit. Nous avons vu que nous n'effaçons pas cette entrée, car la comptabilité est un processus de collection d'information. Nous ne voulons pas effacer de l'information utile pour analyser l'activité de l'entreprise pendant l'exercice.
Nous écrivons une nouvelle entrée le 15 octobre, avec sa description, et dans la colonne crédit nous inscrivons 3000. La promesse de Jennifer sort de nos actifs, et si elle n'avait pas d'autres dettes envers nous, elle ne nous doit plus rien.
Exemple 3 : Le 20 octobre nous vendons pour 12 000 euros de marchandises à Marcel qu'il paie comptant.
Du cash entre dans l'entreprise. Et nous avons vu que les marchands italiens ont inventé un compte spécial intitulé "compte de ventes" pour enregistrer un crédit correspondant à cette vente. Ce n'est pas exactement l'enregistrement des biens qui sortent du stock de l'entreprise ; cela sera fait ailleurs.
Puisque Marcel paie cash, nous n'avons pas besoin d'enregistrer d'où vient l'argent. C'est important seulement quand nous recevons une promesse. En comptabilité analytique cependant (qui est un développement avec beaucoup de détails de la compta générale), c'est un élément d'information utile qui va dans le système d'information et de gestion consacrée à l'activité commerciale.
Nous débitons le compte de caisse.
Et nous créditons le compte de ventes (ou compte des ventes).
Le problème de l'enregistrement des marchandises vendues. Lors de la vente, comment traiter comptablement les marchandises sorties des stocks de l'entreprise pour aller dans ceux de Marcel ?
Il y a deux façons de traiter cette question :
- en comptabilité moderne, on effectue un suivi en temps réel des marchandises vendues et de celles encore en stock : alors on crédite le compte de stocks et on débite un autre compte spécial intitulé "coût d'achat des marchandises vendues", CAMV (en anglais, "cost of goods sold", COGS),
- en comptabilité traditionnelle, on ne s'occupe pas de mettre à jour les stocks avant la fin de l'exercice. Cela a lieu lors des opérations dites "de régularisation". Nous étudierons le calcul des stocks et les autres régularisations dans le chapitre V.
Suivons la procédure traditionnelle. Alors pour l'instant on ne fait rien d'autre que d'enregistrer la vente comme ci-dessus.
Exemple 4 : Le 23 octobre, nous achetons des marchandises à crédit à Marie pour 7500 euros.
Là encore il existe deux façons de traiter cette transaction :
- en comptabilité moderne, nous débiterions le compte des stocks, et nous créditerions le compte (quel qu'il soit) qui a servi à payer,
- tandis qu'en comptabilité traditionnelle, nous débitons un compte intitulé "compte des achats", et nous créditons celui avec lequel nous avons payé.
Restons toujours en compta traditionnelle. Nous allons débiter le compte des achats, et plus tard, lors des régularisations de fin d'exercice, nous calculerons le coût réel des marchandises vendues. Si entre le début et la fin de l'année, les stocks n'ont pas changé de valeur, cela signifiera que les achats = le coût d'achat des marchandises vendues. Mais si, par exemple, entre le début et la fin de l'année les stocks s'accroissent, alors le coût d'achat des marchandises vendues sera inférieur aux achats. Cela peut paraître à première vue terriblement compliqué, mais nous verrons que la comptabilité traditionnelle résout très simplement le problème à l'aide des régularisations.
Donc pour l'instant nous débitons le compte des achats :
Et nous créditons le compte utilisé pour payer. Ici, c'est le "compte des créditeurs", puisque nous avons payé avec une promesse :
Comment vais-je apprendre tout cela ? Il serait abusif de prétendre que tout cela est très simple et évident. Seule la pratique nous permettra d'acquérir une bonne maîtrise, les automatismes et être à l'aise avec les débits et crédits quand nous enregistrons des transactions.