Publié le 02 mars 2018 sur un blog du journal le Monde

Plaidoyer pour un retour à une monnaie française

J’ai soutenu Emmanuel Macron lors de l’élection présidentielle dès l’été 2016, et me suis réjoui de son élection. Il a depuis lancé de grandes réformes (fonction publique, éducation, impôts, système législatif, santé, retraites, etc.) et ne m’a pas déçu.

Il y a cependant un dossier important qu’il n’a pas abordé : celui de la monnaie et des déséquilibres économiques sévères que l’euro-monnaie-unique a créés en Europe.

L’histoire de la construction de l’euro est étrange. Les Allemands n’en voulaient pas, mais voulaient la réunification. F. Mitterrand leur a proposé dans les années 90 l’accord officieux suivant : vous faites la réunification et, en échange, vous acceptez l’euro.

L’ironie de l’histoire est que l’euro a bénéficié en premier lieu à l’Allemagne. Depuis sa mise en place, sa balance courante a grimpé en flèche et se situe maintenant aux alentours de 250 milliards d’euros par an.

En revanche les Allemands n’ont pas réussi à relancer l’économie de l’Allemagne de l’Est pour la mettre à niveau avec celle de l’Ouest, malgré plus de 1000 milliards d’euros déversés à l’Est.

Les mécanismes monétaires n’obéissent pas au bon sens courant : un don de 1 000 000 d’euros enrichit un individu ; mais un don de 1 000 milliards d’euros n’enrichit pas un pays. L’Espagne au XVIe et XVIIe siècles, qui a reçu la manne de centaines de tonnes d’or et d’argent du Nouveau Monde, ne s’est pas enrichie mais a stagné alors que d’autres pays occidentaux se sont enrichis grâce au commerce, aux manufactures, et plus tard à la Révolution industrielle.

La dette publique française, détenue aux 2/3 par des créanciers étrangers, est de 2250 milliards d’euros soit un montant égal à notre PIB. Elle était de 1000 milliards en 2004. Et elle augmente encore chaque année de près de 100 milliards. Bercy explique que cette année, elle baissera (un tout petit peu, et si tout se passe bien) en pourcentage. Mais c’est dissimuler un éléphant derrière une feuille de trèfle.

E. Macron durant sa campagne a comparé une monnaie nationale vers laquelle certains l’exhortaient de revenir à des billets de Monopoly. Il avait fait le choix de ne pas intégrer un retour à une monnaie nationale dans son programme, sans doute car ce n’est pas un thème électoraliste, et le faisait savoir avec la com très maîtrisée dont il est coutumier.

Certains « esprits » nous disent : mais vous soutenez alors les thèses de Marine Le Pen ! Leur logique est affligeante. Vous respirez, Hitler respirait, cela ne fait pas de vous un Nazi.

Cependant E. Macron n’aura pas indéfiniment la possibilité de rester avec la seule monnaie unique. Il faudra revenir à une monnaie nationale en France pour nos dépenses internes, avec l’euro comme monnaie commune pour nos dépenses intra-européennes. Le monde ne veut pas de l’euro, préférant le dollar.

Une façon « en douceur » de le faire est en commençant à payer une partie de nos dépenses internes (une partie du traitement des fonctionnaires, et des achats en France) en monnaie nationale. Certains diront : « Mais c’est introduire une monnaie de singe ! » Outre que c’est injurieux pour les Français, l’alternative est une explosion à brève échéance et non-contrôlée de la monnaie unique et de la zone euro.

Une monnaie propre est un attribut fondamental de toute communauté. Cela ne veut pas dire n’en avoir qu’une. Dans notre famille nous avons une monnaie familiale pour les tâches domestiques (c’est plus souple et plus instructif qu’un tour de tâches). Nous n’avons pas besoin d’emprunter des euros pour faire la cuisine ou le ménage. Quand il n’y a pas d’euros dans la caisse, cela ne nous empêche pas de travailler pour la maison. Alors qu’en France, si on n’emprunte pas des euros chaque année à l’étranger (de l’ordre de 60 milliards) on ne peut pas payer des Français qui travaillent en France pour l’État. C’est absurde !

Beaucoup de pays ont plusieurs monnaies. La Suisse a les francs suisses et l’euro. Nous avons du reste en France l’euro et le dollar.

Ne plus avoir de monnaie interne en France nous a condamnés à devenir une simple région périphérique des centres économiques puissants en Europe (Allemagne, Pays-Bas, pays d’Europe du Nord), et, compte tenu de la structure de notre économie, à nous endetter toujours plus.

Cela ne peut pas durer indéfiniment. Or le gouvernement n’a aucun plan connu pour enrayer cette dérive qui dure depuis des décennies. Il faut revenir à une gestion monétaire raisonnable en Europe, comme la plupart des grands économistes mondiaux le recommandent depuis des années : une monnaie française en France, et l’euro comme monnaie commune.

André Cabannes

Saint-Cyr-sur-mer, Var

2 mars 2018