Par Sciences et Avenir avec AFP le 14.11.2019 à 06h45
"La première chose à savoir sur ma discipline est que son nom, la théorie du Big Bang, n'est pas juste", a déclaré le professeur américain James Peebles, l'un des trois prix Nobel de physique 2019.
James Peebles, cosmologue de l'université Princeton et Nobel de physique 2019, à la Maison de la Suède à Washington le 13 novembre 2019
"La première chose à savoir sur ma discipline est que son nom, la théorie du Big Bang, n'est pas juste", dit le professeur américain James Peebles, l'un des trois prix Nobel de physique 2019, devant un auditoire intrigué. "Il connote un événement et un lieu, or les deux sont faux", poursuit-il devant des amateurs de science venus écouter à la Maison de la Suède, à Washington, trois lauréats américains du Nobel -- le colloque organisé par l'ambassade est annuel, il y a toujours des Américains dans la liste.
Pas de grosse explosion originelle, jusqu'à preuve du contraire, donc. James Peebles, 84 ans, est cosmologue. Le Nobel a récompensé ses travaux théoriques sur l'enfance de l'Univers. Notez la nuance : l'enfance, et non la naissance. "Il est malheureux qu'on parle du début, alors qu'en réalité, nous n'avons pas de bonne théorie d'une chose telle que le début", explique le professeur à l'AFP après le colloque.
La cosmologie a en revanche de très bonnes théories pour expliquer l'évolution "depuis les premières secondes de l'expansion de l'univers", il y a près de 14 milliards d'années. Il s'agit littéralement des premières secondes, dont les cosmologues ont découvert... des fossiles.
Le terme est le même qu'en paléontologie. Les plus vieux fossiles incluent des particules d'hélium émises en quelques secondes quand l'univers était très chaud et très dense. On les a observées, avec des télescopes.
Ces théories sont bien vérifiées par des observations, dit-il, ce qui fait toute la différence avec les théories concernant l'étrange phase précédente.
"Nous n'avons pas de test solide pour ce qui s'est passé avant", dit James Peebles. "Nous avons des théories, mais pas testées."
James Peebles en 1990 © PRINCETON UNIVERSITY/AFP - Robert P. MATTHEWS
"Les idées théoriques sont merveilleuses mais, selon moi, elles deviennent établies quand elles réussissent leur examen", continue le professeur, qui a passé les 60 dernières années à en développer. "N'importe quel physicien intelligent peut inventer des théories qui n'ont rien à voir avec la réalité. On découvre quelles théories sont proches de la réalité quand on les compare à des expériences. Or nous n'avons pas de preuves expérimentales de ce qui s'est produit auparavant."
Parmi les théories cosmologiques figure celle de l'inflation, une phase très courte qui se serait produite avant l'expansion. "C'est une belle théorie", juge James Peebles. "Beaucoup de gens la jugent si belle qu'elle doit être juste. Mais les preuves sont très clairsemées." "Puis-je vous demander de ne pas utiliser le terme de Big Bang imprudemment ?", demande en fin d'entretien le cosmologue, après une question mal formulée.
Quel terme préférez-vous ?
"J'ai abandonné, j'utilise Big Bang moi-même, bien que cela me déplaise. Pendant des années, nous avons tenté de convaincre la communauté de trouver un meilleur terme, en vain. Donc cela reste le Big Bang. C'est malheureux mais tout le monde connaît le nom. Alors j'abandonne."