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            France ne vous écoute plus. Elle n'entend pas davantage votre 
            gouvernement, confronté à la mission impossible de réaliser en 
            quelques mois ce qui n'a pas été fait en quelques années. En 2002, 
            Monsieur le Président, nous attendions de vous une stratégie, et un 
            pilotage vers une France moderne permettant de valoriser nos 
            potentiels et notre rayonnement dans le monde. La déception est 
            immense. L'échec du référendum sur la Constitution européenne vous a 
            fourni une occasion d'en tirer toutes les conséquences.
            
            Vous ne l'avez pas fait, accélérant ainsi la fin d'un cycle 
            politique durant lequel les Français auront perdu leur fierté, mais 
            aussi leur niveau de vie. Ce sont seize mois à risque social grave, 
            dans un climat d'attentisme et d'intrigues, que le pays va devoir 
            affronter.
            Les Français vont découvrir que nous n'avons plus d'argent : sans 
            en être informé, chaque ménage a été endetté par l'Etat à hauteur de 
            41 000 euros, soit en moyenne davantage que son endettement privé. 
            Jamais depuis la fin de la seconde guerre mondiale nous n'avions 
            connu une telle situation de ruine des finances publiques. Tout cela 
            ne s'est pas produit en un seul jour, ni indépendamment des 
            politiques conduites. Quand, Monsieur le Président, avez-vous fait 
            savoir aux Français les conséquences de cette situation ? Jamais. 
            Cela seul justifierait que vous partiez.
            Lors de vos voeux aux Français le 31 décembre, ce fut de votre 
            part un silence assourdissant. Pensez-vous normal de renoncer à vous 
            soucier de ce qu'il adviendra des jeunes générations que nous 
            endettons pour financer notre propre fuite en avant ? Nous achetons 
            avec le fruit de leur travail futur notre peur d'affronter le monde 
            tel qu'il est. Mais qui va payer la facture ? Quelle jeunesse 
            accepterait dans un même temps un accroissement des retraites 
            engendré par la démographie et une dette exponentielle engendrée par 
            l'incompétence d'une classe dirigeante ? Vous avez admis, lors de la 
            campagne référendaire du printemps dernier, ne pas comprendre les 
            jeunes. Craignez que la jeunesse, elle, ait compris ce que vous avez 
            fait : rompre la solidarité entre les générations. 
            Pourquoi n'a-t-on pas expliqué aux Français qu'à la fin des 
            années 1970, notre PIB par tête dépassait de 25 % celui des 
            Britanniques, et qu'aujourd'hui celui des Britanniques est supérieur 
            de 10 % au nôtre ? Il eût fallu expliquer les raisons de cet 
            effondrement. Est-ce la capacité de vision et de réalisme de 
            Margaret Thatcher et de Tony Blair qui ont fait la différence avec 
            les références à un monde ancien de François Mitterrand et de 
            Jacques Chirac ? 
            L'Histoire jugera un tel décrochage culturel, économique, et donc 
            social, car sans croissance les acquis sociaux ne sont que des 
            chèques sans provision. Avec nos chercheurs, nos universitaires et 
            nos entrepreneurs, nous avions, et nous avons encore, tous les 
            potentiels d'une économie moderne. Faute d'encourager leur synergie, 
            le risque est grand et que notre croissance moyenne continue de 
            baisser.
            C'est probablement, Monsieur le Président, la fin d'un système 
            politique dont vous êtes le chef, capté à droite comme à gauche par 
            un groupe de hauts fonctionnaires, brillants mais coupés du monde 
            réel. Une caste administrative qui n'a pas su adapter notre pays, 
            car elle n'a jamais voulu s'appuyer sur l'intelligence collective de 
            nos concitoyens. Cette suffisance engendre le cynisme, le mensonge, 
            et finalement l'échec. 
            Aujourd'hui, la fracture est profonde. Le rejet de la classe 
            politique et les avertissements exprimés lors des scrutins nationaux 
            depuis quinze ans n'ont pas été compris, et donc pas suivis d'effet. 
            Notre classe politique n'a pas su se renouveler et propose des 
            modèles dépassés. Or de nombreux Français, en particulier dans nos 
            régions, sont prêts à participer à l'émergence d'une économie de la 
            croissance, à redéfinir les missions et les conditions de 
            l'efficacité de l'Etat, à promouvoir un modèle social qui produise 
            autre chose qu'un taux de chômage à 10 %. Je voudrais, Monsieur le 
            Président, avec tout le respect dû à votre fonction, vous demander 
            de mettre fin à votre mandat dans l'urgence, comme l'a fait le 
            chancelier Gerhard Schröder, et comme l'avait fait le général de 
            Gaulle en son temps. Cela permettra l'émergence d'une nouvelle 
            ambition pour la France en redonnant la parole au peuple.
            Ne faites pas de votre échec, Monsieur le Président, l'échec de 
            la France. Une attente insupportable émaillée de discours sans 
            légitimité politique, et donc sans effets réels, peut conduire notre 
            pays à une situation proche de celle qu'a connue l'Argentine. Elle 
            ferait le jeu des extrêmes, et entraînerait probablement un 
            infarctus démocratique en 2007. Croire en la France, c'est redonner 
            le pouvoir aux Français. C'est à vous de décider, Monsieur le 
            Président. 
            
            Christian Blanc est député des Yvelines (apparenté UDF).